À titre d’exemple, l’essor de la construction urbaine et autoroutière chinois nécessite celui de la production nationale de béton. En 1985, la Chine devient le principal producteur mondial de ciment et produit un peu plus de 2,3 millions de tonnes de ciment par an, avant d’en produire près de 2,5 milliards de tonnes sur la production mondiale de 4,7 milliards. Pour ce faire, la Chine importe 60 % des trente milliards de tonnes de sable marin exploitées chaque année. Entre 2011 et 2014, la Chine a exploité autant de sable que les États-Unis durant tout le XXe siècle.
Sachant que le sable est le composé de base du ciment, la croissance chinoise entraîne une course globale au sable. Aussi, des prélèvements massifs de sable s’effectuent, entre autres, en Indochine, au Cambodge, au Maroc, tous membres de la « Route ». Ces pays deviennent ainsi les bassins de ressources tant du marché immobilier chinois que de la dynamique de constructions d’infrastructures de transport terrestres qui conditionnent l’extension de la « Nouvelle Route de la Soie ». La puissance de cette dynamique est telle qu’elle a des effets à l’échelle planétaire — notamment des effets d’accélération tant sur l’érosion des littoraux, alors que le niveau de l’océan augmente toujours plus vite en raison du changement climatique, que sur les émissions de gaz à effet de serre.
Car la « Route » ne vise en rien à diffuser un « modèle chinois » au reste du monde. Bien au contraire, les multiples segments qu’elle intègre doivent être compris comme composant un gigantesque « canal planétaire » s’écoulant vers la Chine, sans pour autant, et contrairement aux États-Unis, diffuser un système de normes et de valeurs propre à la Chine dans le monde. Ce « canal planétaire » permet ainsi le transfert vers la Chine de toutes le ressources, naturelles, semi-finies, financières, intellectuelles, humaines, dont « l’Empire du Milieu » a besoin pour mener à bien sa grande stratégie de développement.