Mais il y a aussi d’autres dispositions. Voyez d’ailleurs, dès la discussion générale de première lecture au Sénat, les objections soulevées par les socialistes et par les communistes. Il y a, comme je viens de le rappeler, tout ce qui a trait au démantèlement annoncé, parfois frontal, parfois larvé, de la politique du crédit mise en place en 1945. Il faut en avoir une compréhension à la fois économique, historique et politique, pour comprendre à quel point les sommes en jeu et l’ampleur du basculement public – privé et d’une logique démocratique à une logique marchande sont considérables.
D’emblée, Talamoni aborde même la question des « avances à l’État » d’une manière qu’on pourrait voir comme inattendue en pointant une autre clause du projet de loi, l’article 17 : il risquerait, dit-il, de faire perdre à la Banque de France le monopole de la gestion du compte de l’État, ce qui induirait deux choses mauvaises : d’un côté, ça permettrait aux banques de profiter de cette liquidité quand le compte de l’État serait créditeur ; de l’autre, « cela donne[rait] la possibilité au Gouvernement, en cas de difficultés financières, de ne pas faire appel aux « avances à l’État », lesquelles doivent être autorisées par le Parlement. » C’est instructif à plus d’un titre. D’abord, parce que ça montre que l’effet en question dans ce débat pouvait venir d’autres dispositions de la loi. Ensuite, parce que ça rappelle que les mécanismes les plus décisifs en la matière relèvent typiquement de la gymnastique juridique. En l’occurrence, d’ailleurs, le sénateur communiste pointait là, tout comme je l’ai fait, le rôle décisif de l’initiative : si le Parlement n’a pas l’initiative, alors il suffira tout simplement au ministre des finances de s’abstenir de solliciter la Banque ! Un élément qui, à mon sens, a toujours été décisif dans cette affaire : il suffit de se rappeler que les banques n’ont pas attendu l’autorisation de la loi pour créer de la monnaie, pas plus que les rois, empereurs et autres proconsul, n’ont attendu la bénédiction d’un parlement pour octroyer à des banquiers privés le privilège inouï que confère le monopole de la création de la monnaie fiduciaire.