De même pour Open Access
De même pour Open Access
Et muni de cet ensemble d’éléments, à chaque fois que vous entrerez dans une bibliothèque, vous comprendrez que vous entrez dans un endroit pas tout à fait comme les autres. Dans un endroit finalement beaucoup plus « politique » que n’importe quel autre endroit. Dans un endroit où derrière les livres se joue aussi la possibilité pour une société de créer du lien, de construire des représentations communes ; ou bien d’en supprimer. Chaque fois que vous vous préparerez à travailler en bibliothèque, vous devrez vous souvenir que vous n’êtes pas seulement là pour faire de l’indexation et du catalogage (vous en ferez heureusement de moins en moins), mais qu’il est en revanche indispensable que vous deveniez le professionnel qui va permettre de faire émerger, « dans le calme, des documents que les autres médias détruisent ou noient dans le renouvellement insatiable de leur production« . Pour les faire émerger, pour les choisir, pour les retenir, et puis pour les offrir.
Les services documentaires étaient portés par des professions reconnues, aux compétences codifiées et à l’éthique forte mais qui ne répondent plus au défi numérique contemporain. Les nouvelles « infrastructures épistémiques » ne disposent pas de cette tradition et souvent même leur rattachement institutionnel est flottant. C'est donc aussi le constat que les « infrastructures épistémiques », autrefois bibliothèques, centres documentaires, voire musées, se sont déplacées vers les réseaux et les collections numériques et irriguent très directement tous les échelons de la société.
Le défi n’est pas mince. Il ne s’agit pas moins que de reconsidérer notre relation aux documents, c’est-à-dire notre rapport à la représentation des évènements passés pour envisager l’avenir. L’éducation est soumise à de profonds ajustements, non seulement parce que ses institutions sont confrontées à la prolifération d’outils numériques de transmission du savoir qu’elles doivent intégrer dans leurs pratiques, mais plus encore parce que l’accès direct au savoir par les internautes modifie considérablement la relation aux experts et à leurs institutions. La création voit ses protections juridiques remises en causes par les pratiques de partage, mais aussi ses processus renouvelés par un accès sans précédent au patrimoine et à des facilités de modelage et de mixage inconnues jusqu’alors. Les institutions de toutes sortes doivent réviser leur système d’information. La science, elle-même, construite pour une bonne part sur la confrontation des documents, bascule dans de nombreuses disciplines vers une e-science, c'est-à-dire une science où les outils numériques deviennent dominants ouvrant des possibilités inédites d’investigation, de calcul et d’analyse.
Un article majeur; la grande convergence en train de se réaliser
"« Economie de la bibliothèque (COOPT-Enssib-3)
Economie du web (COOPT-Enssib-5)
Par Jean-Michel Salaun le vendredi 14 décembre 2012, 16:59 - Cours - Lien permanent
422. L’ECONOMIE DU DOCUMENT ; Articulation des modèles ; Le Web entre flot et bibliothèque 524. À LA RECHERCHE DU NEODOCUMENT ; L’élaboration d’un modèle commercial ; Intégration
Les cinquième et sixième séances de mon cours sur l'écosystème du document pour l'Enssib sont consacrées aux rapports de cet écosystème avec l'économie du web. En réalité le sujet dépasse largement ce que je peux présenter en si peu de temps, mon objectif est simplement d'attirer l'attention sur quelques mécanismes essentiels pour la compréhension des mouvements en cours dans la continuité des séances précédentes (1. Les sept piliers, 2. Modèles économiques, 3. Economie de la bibliothèque, 4. Etude de cas).
Pour ces dernières séances de ce cours ouvert, l’interaction en ligne passera par deux mécanismes : les commentaires sous ce billet sur les notions discutables ou à éclairer qui y sont présentées et, par la suite, des billets rédigés collaborativement par les étudiantes inscrites au cours.
Nous avons vu que le modèle du web se glissait entre celui de la bibliothèque et celui du flot. Du premier, il reprend la tradition de coopération et de mutualisation. Plusieurs penseurs ont proposé une interprétation de cette caractéristique du web, la présentant souvent comme inédite. J'en rappellerai brièvement quelques traits importants sous la dénomination économie de la contribution. Mais le web documentaire tire aussi la majorité de ses revenus de l'économie de l'attention en s'appuyant sur sa capacité à capter et fidéliser les internautes par un réseau électronique, tout comme l'ont fait avant lui la radio et la télévision (le flot).
En réalité, économie de la contribution et économie de l'attention s'articulent et conduisent à des stratégies industrielles fortes qui progressivement configurent le modèle du web en tentant d'en accaparer la valeur au profit de quelques firmes, non sans contradictions avec la nécessité d'ouverture du modèle.
Economie de la contribution...
Le terme économie de la contribution est dû à Bernard Stiegler (ici ou là). Il a, pour lui et ses collègues d'Ars industrialis, une acception très politique, marquée par une tradition française de philosophes engagés. Proche de ce courant, on peut aussi citer la notion de multitudes, proposée par Antonio Negri et reprise en France par Yann Moulier-Boutang (wkp) selon laquelle nous serions passés d'une organisation industrielle où les masses et les classes sociales fondaient la structure sociale à une organisation post-industrielle où la multiplication des consciences et actions individuelles serait le moteur du changement.
Je reprends ici le terme "économie de la contribution" d'une façon plus générique pour caractériser la pensée d'un mouvement plus large et ancien autour de l'économie des réseaux et de l'open source dont Yochaï Benkler est le représentant le plus célèbre suite à la publication de son livre :
Benkler, Yochai. La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l’heure du partage social. Presses Universitaires de Lyon, 2009 (première édition américaine 2006). (Introduction sur InternetActu)
Y. Benkler a résumé son analyse dans une intervention à TED en 2005 qu'il est indispensable de visionner (le texte de l'intervention est accessible en français sur le site).
Le tableau ci-dessous présente la clé de sa thèse :
La colonne de gauche renvoie au raisonnement classique en économie depuis Ronald Coase (wkp) sur la nature de la firme. C'est lorsque les coûts de transaction augmentent qu'il devient avantageux de s'organiser pour produire en interne plutôt que d'acheter sur un marché les produits ou services, et donc le marché et la firme (ou l'entreprise) ne sont que deux manières complémentaires d'organiser les échanges économiques. L'originalité de Benkler (très largement en décalage par rapport à la pensée de Coase) est de tenter un raisonnement parallèle sur des transactions non-marchandes et l'économie sociale en montrant qu'avec le web il serait possible de coordonner des micro-actions non-marchandes à grande échelle.
ou économie de l'attention
Néanmoins cette vision généreuse de l'économie s'accompagne aussi dans notre domaine d'un déplacement des marchés, selon le principe vu dans les premières séances : plus l'offre documentaire s’agrandit, plus l'attention est sollicitée et devient un bien rare que l'on pourra revendre. Autrement dit, elle sous-estime l'importance du caractère multidimensionnel du document (vu, lu, su).
Un diaporama récent du cabinet de consultant Business Insider témoigne de l'importance du déplacement des marchés.
Pour vous faire mesurer ce phénomène à la fois sur le fond et par la pratique, voici un petit exercice.
Trouvez les diapositives qui vous permettront de répondre aux questions ci-dessous :
Quelle proportion de la population de la planète est-elle connectée ? En quoi est-ce plus important qu'il n'y paraît ?
Depuis quand les ventes de smartphones ont-elles dépassé celles des ordinateurs ?
Quelle est la différence entre le marché américain et le marché chinois des smartphones ?
Quels sont les principaux marchés médias pour la publicité ?
Quelle a été l'évolution du marché publicitaire des journaux américains depuis les années 50 ?
Pourquoi Facebook n'arrivera probablement pas à concurrencer Google sur la publicité en ligne ?
Pourquoi le marché publicitaire sur le téléphone mobile est-il incertain ?
Les usagers d'Androïd utilisent-ils les applications ?
Ces analyses sur les développements des marchés ne sont pas vraiment contradictoires avec l'économie de la contribution présentée plus haut, même si souvent ceux qui les portent paraissent s'opposer. En étant cynique on pourrait même dire que l'économie de la contribution joue le rôle que jouait l'économie de l'information auparavant : alimenter l'économie de l'attention, capter l'attention pour la vendre à des annonceurs intéressés. Mais à la différence de l'économie de l'attention précédente, dans l'économie de la contribution le lecteur est plus actif, tout comme le lecteur dans une bibliothèque est plus actif que le téléspectateur devant son poste de télévision. Ainsi, la captation de l'attention est plus efficace lorsque l'internaute est en train de chercher quelque chose puisque l'on pourra faire coïncider les annonces avec sa recherche (mots-clés de Google) que lorsqu'il échange avec ses amis, car les annonces viendront perturber la relation (difficultés de Facebook).
Stratégies industrielles
J'ai eu très souvent l'occasion de montrer que les principales firmes du web documentaire construisaient leur stratégie en privilégiant chaque fois une facette du document : la forme pour Apple, le texte pour Google et la relation pour Facebook.
On en trouvera un résumé sur cette vidéo, un développement dans la deuxième partie du chapitre 5 du livre Vu, lu, su. et une actualisation sur les billets de ce blog : Apple, Google, Facebook (lire au moins les deux derniers billets concernant chaque firme).
Questions d'actualité
Les prochains et derniers billets de ce cours seront rédigés par les étudiantes de l'Enssib autour de trois thèmes chauds de l'actualité de l'écosystème du document numériques :
La ville de Lyon a-t-elle eu raison de contractualiser avec Google ?
Google confisque-t-il la valeur créée par les journaux ?
Peut-on prêter des ebooks en bibliothèque ?
Vous pouvez les aider en suggérant références et réflexions en commentaire de ce billet.
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